SOSNOTAIRES.COM
et Mélusine

C O N S T A T


       L'informatique a envahi tous nos offices. Avec elle, nos méthodes de travail, et ce qui en est le résultat visible, nos actes, ont évolué.
       Mais tout est-il pour le mieux ?
       Essayons d'établir un large constat de la situation.

Système d'exploitation

       A l'origine de l'apparition de l'informatique dans nos offices, nous utilisions majoritairement Apple. Le PC, puis Windows l'ont, petit à petit, supplanté.
       D'autres systèmes d'exploitation, dont Linux, libre et gratuit, sont apparus, mais ne semblent pas ou peu utilisés dans le notariat.
       Or, la profession semble vouloir se tourner exclusivement vers Windows.
       Bien qu'il soit utilisé universellement, celui-ci n'est pas exempt de reproches : dépendance totale de Microsoft, espionnage de votre ordinateur, plantages répétitifs, nouvelles versions, de plus en plus gourmandes en capacité mémoire, qu'il faut à chaque fois racheter, et qui obligent à monter le matériel en puissance, inviolabilité douteuse, sensibilité aux virus, connexions à répétition pour mises à jour...

Logiciels généraux

       Là aussi, tout le monde (sociétés de service), semble se tourner vers la suite "standard" Microsoft (Word pour le traitement de texte, Excel pour le tableur, Internet Explorer et Outloock pour la messagerie).
       Sans critiquer leurs qualités (mais a t'on réellement besoin de toutes leurs fonctionnalités?), ces logiciels sont loin d'être gratuits, et pas forcément exempts de critiques : les virus semblent familiers des macros et de Outloock.
       Il existe des logiciels tout aussi performants, et gratuits : Open Office pour la suite Microsoft, et Thunderbid, pour la messagerie. Il existe de nombreux autres programmes, peu connus, gratuits ou fort peu coûteux.

Logiciels spécifiques à la profession

       Plusieurs sociétés de service touchant à la profession, ont développé divers programmes (comptabilité, traitement des actes, négociation, ...)
       On pourrait se réjouir de cette diversité, gage de concurrence. Mais est-on réellement libre de changer de fournisseur lorsque tout repose sur des fichiers propres à chaque programme ? Tout changement est source de complications, de coût supplémentaire, et de récupération plus ou moins hasardeuse.
       Mais il y a pire : c'est l'évolution des programmes. Notre marché, même s'il est important dans sa globalité, compte tenu de sa division, et de l'absence de codification des données, n'amène pas les différentes sociétés de service à modifier le coeur de leurs programmes, même s'ils deviennent obsolètes. Et on continue à nous vendre des licences de bases de données, alors qu'il en existe de plus performantes, standardisées et gratuites.


Logiciels ouverts ou fermés ?

       Tous ces logiciels, généraux ou spécifiques à la profession, sont dits "fermés". Personne ne peut les lire. Si l'entreprise disparaît ou décide de ne pas les continuer, personne ne peut les reprendre.
       Le problème est le même pour les données stockées par ces programmes : ils ne peuvent être écrits et lus que par le programme, ce qui peut avoir de graves conséquences sur la pérénnité des données, surtout sur le long terme. Qui peut garantir que les données écrites avec le programme x pourront être lues dans quelques années ?
       Bien sûr, il existe généralement des filtres permettant de faire lire ces données par un autre programme. Mais cette solution n'est pas parfaite. Microsoft lui-même n'assure pas toujours la récupération des données écrites par ses propres programmes. Quant aux données écrites par nos programmes de comptabilité ...
       Pourtant, il existe des logiciels ouverts, dits "open source", dont les codes sources (programmation), sont publics, accessibles à tous, chacun pouvant même apporter sa contribution à leur évolution. Open Office, déjà cité, en fait partie. Bien entendu, les caractéristiques de stockage des données sont elles aussi publiques, ce qui en garantit la pérennité. De plus, ces logiciels sont gratuits.

Communicabilité

       Qui de nous n'a jamais rencontré de problème de lecture d'un projet d'acte adressé par un confrère : nom de fichier, et le plus souvent, problème de format. Et si c'est du .DOC, quelle version ?
       Cela est tout à fait anormal, engendre de nombreuses pertes de temps, ou oblige même à revenir à nos fidèles fax : avec eux, tout était simple.
       Dans ces conditions, comment parler d'archivage électronique ou de dématérialisation des actes notariés, sans être certain que les données pourront être lues dans plusieurs dizaines d'années, alors que nous n'arrivons même pas à nous lire dans l'instant présent ?
       Par ailleurs, la profession nous avait fait savoir il y a quelque temps qu'elle travaillait avec l'administration sur un projet EDI, basé sur le XML (échange de données d'après un format standard). Ce format standardisé (XML) existe : il est utilisable avec tous les systèmes d'exploitation, et exploitable par tous les programmes qui le souhaitent.
       Cela devait préfigurer nos futurs échanges avec l'administration, et notamment les bureaux des hypothèques. L'idée était excellente : mais alors :
-pourquoi les données transmises par le SPDC le sont-elles au format PDF ?
-qu'a fait la profession dans ce domaine ?
       Une suite logicielle (OpenOffice, toujours lui, et gratuit), stocke l'intégralité de ses données au format XML. Combien d'autres programmes parmi ceux que nous utilisons, le permettent-ils?

Sécurité

       La sécurité est un des points faibles d'Internet. Les fichiers que nous adressons ou recevons peuvent parfaitement être interceptés, et lus (et donc modifiés), à moins d'avoir été cryptés. Combien d'entre nous procèdent-ils au cryptage ?
       Mais cela suppose que le destinataire possède la clé de décryptage : si cela est envisageable entre notaires, cela est inconcevable pour nos relations avec l'extérieur.
       L'idéal serait donc un système de transfert sécurisé. Là encore, notre Intranet est censé y pourvoir, mais cela reste à démontrer, et à un moment donné, les fichiers qui transitent par l'Intranet, en sortent pour accéder à leurs destinataires. Que se passe-t'il alors ?
       En ce qui concerne les virus, sans doute y êtes-vous déjà sensibilisé : nos boîtes aux lettres regorgent de messages d'information sur l'existence de virus, ou de messages retournés (que vous n'avez jamais envoyés d'ailleurs). Ce qui est ennuyeux, c'est que le phénomène touche particulièrement notre Intranet, alors que d'autres messageries ne sont pas, ou quasiment pas, touchées. Il est plus que désagréable chaque jour de faire le tri et le nettoyage dans sa boîte, avec les risques d'importer un virus, de détruire un fichier non corrompu, ou qu'un fichier soit détruit en cours d'acheminement. Cela enlève toute fiabilité au système.
       Au titre de la sécurité, n'oublions pas Réal, qui peut apporter un début de réponse. Mais un système aussi lourd et contraignant est-il justifié pour consulter le fichier des testaments ou les bases de données des Cridon ? Les applications promises (tiers certificateur, acte dématérialisé), risquent de se faire attendre encore longtemps.

Comptabilité

       Avec l'informatisation de nos comptabilités, la profession a imposé que nos programmes soient "habilités". Le but était que les documents "de sortie" répondent à un certain standard.
       Par contre, la profession s'est attachée uniquement à l'aspect matériel apparent, sans se préoccuper du coeur des programmes, c'est à dire les fichiers où sont stockées les données, et leur structure. Il en est résulté que les différents programmes en usage dans la profession, malgré une présentation similaire des documents, sont totalement incompatibles.
       A quoi sert-il alors d'exiger une telle habilitation, si on ne sait pas ce qu'il y a dedans...
       La profession devait établir un logiciel sphynx afin de résoudre ces difficultés, et de permettre des contrôles lors des inspections. Serait-il mort-né ?
       N'aurait-il pas été plus logique d'harmoniser les structures des données, ou d'imposer un type de base de données, et d'obliger les sociétés de service à déposer leur code source, ou au moins, la stucture desdits fichiers.
       Enfin, parmi les documents obligatoires, figure un mini-bilan journalier (le tableau de bord). Combien de notaires sont capables de l'interpréter correctement, ou même, de déterminer à quelle ligne (C, K, O ou autre?) se fier quant à leurs possibilités de prélèvement. Etait-il si compliqué de faire plus simple ?.

Traitement des actes

       Deux systèmes sont possibles :
-soit un assemblage manuel ou semi-manuel : c'est le clerc qui choisit ses formules,
-soit un système de fichiers, constituant automatiquement la trame : on répond à des questions, et l'ordinateur assemble, avec plus ou moins de bonheur.
       Ce système semble actuellement avoir la préférence. Pourtant, c'est le plus lourd des deux, le plus contraignant, celui dont la maintenance est la plus difficile et la plus couteuse à assurer. Et il est pratiquement impossible de sortir de la filière.
       Les notaires le choisissent sans doute dans un esprit de facilité, avec l'arrière pensée que le clerc n'oubliera rien. Mais ce n'est peut-être qu'une illusion, et une fausse sécurité : essayez, avec un logiciel réputé, d'établir une affectation hypothécaire par un époux commun en biens, d'un immeuble lui provenant d'une donation-partage (acte qui n'a rien d'extraordinaire). Si vous laissez faire le système, vous avez toutes les chances de vous retrouver avec un risque d'action en responsabilité.
       La deuxième raison est sans doute le problème des "sous-produits", générés automatiquement par ce type de programme. Mais là encore, ce n'est peut-être qu'un faux problème : les sous-produits peuvent être réalisés par des moyens plus simples, et beaucoup moins coûteux.
       Dans ces conditions, le choix d'un tel système est-il judicieux ?

Nos formules

       Ayons le courage de reconnaître que nos formules sont devenues des monstres ventripotents : il y a beaucoup de verbiage totalement inutile, de redites, et surtout un assemblage disparate de clauses. A côté de cela, on ne sait plus établir de phrases, ni souvent, d'origines de propriété.
       L'informatique, et le système d'assemblage automatique en sont les principaux responsables. Les notaires, qui ne veulent plus se casser la tête à réfléchir à un système de formules "maison", et en demandent de plus en plus pour, dans leur esprit, envisager tous les cas possibles et couvrir leur responsabilité, ont également une lourde part de responsabilité. N'oublions pas non non plus nos juristes et penseurs de formules, à l'esprit quelquefois alambiqué, et les multiples législations protectrices du "consommateur" (?).
       La mise en place de "la première partie normalisée" n'a sans doute rien arrangé. Ce système semble avoir complètement dérapé, et l'on trouve actuellement dans cette première partie, quantité de clauses qui n'on rien à y faire.
       Il y a sans doute beaucoup plus grave : combien d'entre nous savent ce qu'il y a dans "leurs formules prêtes à l'emploi", et dans l'acte qu'ils sont en train de faire signer.
       Enfin, il faut aussi aborder la "fiabilité" de nos actes, qui ne semble pas au rendez-vous si l'on regarde le volume des rejets et refus : qui est responsable ?

Sociétés de services

       Plusieurs sociétés de service se partagent le marché. Mais comment choisir l'une plutôt que l'autre ? C'est un mariage, pour le meilleur et pour le pire, dont il est difficile de se défaire.
       Une démonstration, même en votre étude, ne vous aidera certainement pas beaucoup. Tout est toujours merveilleux lors d'une présentation, et les fichiers ou dossiers que l'on vous présente ne sont pas très nombreux. Ce n'est pas une situation en réel.
       Il ne vous reste donc qu'à voir comment vos confrères proches sont équipés, et s'ils sont satisfaits. Ce n'est sans doute pas la manière la plus rationnelle pour choisir un système, qui coûte malgré tout un certain prix, à l'achat, et surtout en maintenance, et que vous allez conserver de nombreuses années, et qu'il vous sera difficile de muter vers un autre système.
       En plus, rien ne vous garantit qu'il convient parfaitement à vos besoins, et que l'on n'aura pas tendance à vous vendre ou vous installer des éléments inutiles, inappropriés ou disproportionnés par rapport à nos besoins.
       Nous sommes le type même de clients captifs, totalement dépendants du pouvoir de persuasion de notre interlocuteur, qui est avant tout, un vendeur.

Réalisations de la profession - politique informatique (?)

       Curieusement, la profession semblait totalement absente de cette révolution informatique, chaque notaire se débrouillant avec les moyens du bord.
Il y a bien eu, en son temps, le Centre Notarial d'Informatique. Mais il est mort, dépassé par les évènements. Il a été suivi d'un plan fax. Et puis, plus rien, si ce n'est la réglementation sur les comptabilités.
       Certains organismes proches de la profession ont bien réalisé des programmes (négociation), mais il ne semble pas que le résultat ait suscité l'enthousiasme.
       La profession a également réalisé une sorte de cahier des charges sur la gestion analytique dans les offices. Il ne semble pas qu'il y ait eu de suites concrètes, ni même de communication sur le sujet. C'est sans doute dommage.
       Mais voilà que la profession met sur pied le projet Mnémosyne, qui a pour mission "d'accompagner la profession sur la totalité des dimensions techniques et intellectuelles qui composent les équipements informatiques des offices"...
       Vaste programme, dont nous devrions nous réjouir.
       Mais il serait intéressant d'avoir quelques informations complémentaires, surtout lorsque l'on connaît le montant du budget alloué à l'opération : critères de sélection des entreprises partenaires, compétences et réalisations en la matière, mises en concurrence, objectifs, cahier des charges. Et en quoi peut-on prétendre que les logiciels seront propriété de la profession : seront-ils réellement notre propriété, ou celle de Mnémosyne, seront-ils ouverts et les codes source fournis à la profession ? Ou ne s'agit-il que d'une société de services supplémentaire, richement dotée il est vrai (au risque de fausser la concurrence).        Autant de questions sans réponse.
       Nous avons également au CSN, un Monsieur informatique, mais nous ignorons totalement ce qu'il fait. Certaines chambres ont mis en place un Monsieur informatique (ou Madame), à l'usage des notaires de la compagnie. C'est une excellente formule, à développer.


Notaires et clercs

       Les notaires, dans leur quasi totalité, ne sont pas compétents pour traiter des problèmes informatiques, ni même, de leur équipement : cela n'a rien d'anormal, à chacun son métier.
       Par contre, ils ont totalement baissé les bras et démissionné, au niveau des formules, et font une confiance aveugle dans les "bibles toute prêtes", modifiables à volonté, ainsi qu'on leur a confirmé (ce qui n'est jamais réalisé, et souvent quasi impossible dans la pratique, dans un système question-réponse).
       Plus grave, nos clercs sont passés du rôle de rédacteurs, à celui d'assembleurs de formules, et les contrôles sont quasi inexistants : il n'est qu'à relire les projets d'actes que nous recevons (et peut-être nos propres actes).
       Nous sommes devenus de simples utilisateurs, totalement dépendants, incapables de maîtriser nos outils de travail, et pire, notre production.
       Plus curieux encore : les notaires ne sont généralement pas satisfaits des formules qui leur sont proposées par les sociétés de services, mais ils en demandent toujours plus, et ne cessent d'attendre mises à jour et dernière nouveauté, souvent incapables de concevoir et rédiger la moindre formule, comme totalement tétanisés par leur informatique.

Conclusion

       Ayons une pensée pour nos anciens maîtres, enseignants, clercs, qui n'hésitaient pas à décortiquer les clauses d'un acte, et à tout faire "retaper" si le résultat ne leur convenait pas. Il est fort à craindre qu'ils hurleraient en voyant ce que sont devenus nombre de nos offices, véritables usines de production à la chaîne, et surtout nos actes, alors qu'ils sont l'essence même de notre métier.
       S'agit-il d'une évolution normale, nous sommes-nous simplement laissés déborder, ou avons-nous perdu définitivement notre âme?

Mnémosyne - dernières nouvelles (9/10/2009)

       Selon une information de channelnews ( http://www.channelnews.fr/actu-societes/fournisseurs/4577-lediteur-de-logiciels-notaries-mnemosyne-en-liquidation.html ), Mnémosyne serait en cours de cessation d'activité.
       Cela prouve, une nouvelle fois :
-que dans le notariat, et depuis son apparition, l'informatique avance en cahotant,
-que, si l'idée d'une informatique notariale était intéressante (quoi que l'on puisse utilement discuter de savoir si Mnémosyne appartenait réellement à la profession?), il ne fallait pas "faire comme les autres", ce qui vient conforter les idées exprimées dans les différents dossiers sur le présent site,
-qu'il ne suffit pas d'injecter des sommes pharaoniques pour qu'un projet réussisse,
-qu'au résultat final, les notaires n'ont plus aucune maîtrise de leur informatique, que ce soit en comptabilité ou en gestion d'étude et rédaction d'actes, et qu'ils dépendent totalement de prestataires de services extérieurs...,
-qu'il serait peut-être utile, un jour, que la profession change de modèle de décision, ou même d'organisation, et que l'on écoute d'autres voix que celles des sirènes.



page d'accueil de projet Open Source